Rencontre avec un vampire... - SERGEJ -

Plus le temps passait et plus Aydan commençait à perdre patience. Cela faisait pas mal de jours à présent qu'il se trouvait à Aspen et il n'avait pas trouvé un seul indice qui pourrait lui laisser croire que la louve noire se trouvait en ville. Il faut dire que les lycans évitaient de se promener sous leur forme animale au milieu des habitations. En général il le faisait plus dans les plaines ou en forêt. Seulement voilà, même en se promenant pendant des heures au milieu de la nature, il n'avait pas réussit à trouver un seul petit indice. Et pourtant, son instinct lui criait presque qu'il approchait du but. C'était vraiment frustrant, mais il ne pouvait pas y faire grand chose si ce n'est continuer de chercher... Sous forme lupine, il continua donc à renifler le moindre arbre, le moindre petit bout de terre qui pourrait lui fournir un précieux indice. Ce jour-là il s'apprêtait à rentrer encore une fois bredouille lorsqu'il crut apercevoir non loin de lui un éclair de fourrure noire. Ne réfléchissant pas plus que ça, il se lança à sa poursuite. Manque de chance, l'autre animal était plus rapide que lui et bien vite il ne pu plus l'apercevoir. Gémissant de dépit, il se mit à renifler le sol comme Bran lui avait apprit. Il n'était pas encore très au point, mais il pouvait tout de même essayer. Croyant sentir une piste, il se mit alors à avancer d'un pas décidé. Cela dura plusieurs heures jusqu'à ce qu'il arrive aux abords d'une ville inconnue pour lui. Après l'avoir observée pendant plusieurs minutes, il se rendit à l'évidence : il allait devoir reprendre forme humaine s'il voulait poursuivre ses recherches. Se camouflant à l'abris d'un fourré, il débuta donc son Changement. Il n'avait pas de vêtements sur lui, mais il comptait bien en trouver quelque part.

Une fois sa transformation achevée et ses esprits retrouvés, il se mit donc à longer la ville à la recherche de quelque chose à se mettre. Un couple de dizaines de minutes plus tard, il finit enfin par trouver ce qu'il cherchait. Il avait beau faire nuit, quelqu'un avait laissé son linge sécher à l'extérieur. Une fois habillé, il entreprit donc de rentrer à l'intérieur de la ville. Le seul hic dans toute cette histoire, c'était que si la louve était effectivement ici, elle avait dû reprendre forme humaine aussi. Or il ne la connaissait que sous sa forme animale. M'enfin.. ne despérant pas pour autant, il commença à déambuler dans les rues à la recherche d'un nouvel indice. Cela dura de longues minutes jusqu'à ce qu'il reconnaisse qu'il n'arriverait certainement à rien ainsi. Souhaitant se poser quelques minutes pour réfléchir, il trouva une ruelle déserte où s'appuyer contre un mur. Croisant les bras, il chercha la meilleure solution à son problème. Si seulement il avait quelqu'un pour l'aider, ça serait plus pratique... Néanmoins il était seul et n'avait pas trop le choix. Perdu dans ses pensées, il en fut stoppé par une odeur qui attira son attention. Il avait déjà eu l'occasion de sentir la même par le passé. Un vampire... S'il n'avait jamais eu à faire à eux directement, il ne pouvait s'empêcher d'avoir du ressentiment à leur égard. Peut-être était-ce inscrit dans ses gênes... Toujours est-il qu'il décroisa les bras pour scruter les alentours du regard. Ne voyant toujours rien pour le moment, il laissa échapper en signe d'avertissement un grondement sourd de sa gorge qui n'avait rien d'humain.

Kalispell, pas vraiment la ville que j’aurais choisie de prime abord pour une sortie nocturne, mais une affaire se devait d’être réglée urgemment par mes soins, Alexandra étant occupée ailleurs pour le moment. J’observe les restes du vampire que je viens de tuer -définitivement s’entend-, le vent se chargeant de disperser les cendres rapidement. Encore un qui a cru qu’il lui serait possible de tenter de me nuire sans que je ne l’apprenne. Ah ces jeunes, si prompts à chercher l’affrontement là où discussions et intrigues suffisent aisément. Enfin, maintenant que je suis là, je me mets en quête d’une occupation nocturne plus agréable que la dernière. Je m’amuse de voir les humains m’éviter instinctivement, comme s’ils percevaient la dangerosité qui est la mienne. J’en arrive même à afficher un sourire amusé de les voir agir de la sorte. Cela dit, ce n’est pas ce qui m’aide pour trouver ce que je cherche. Je décide de quitter les rues principales pour me diriger vers une partie moins animée de la ville. L’odeur me fait stopper net. Non que je craigne ce que je viens de percevoir, mais bien parce qu’elle est viciée par une autre que je n’ai aucun mal à identifier : celle de Lilly, l’étrange demoiselle d’Aspen. Je gagne rapidement de la hauteur pour avoir une idée précise de mon adversaire. Un mâle, jeune si je me fie à mon odorat, probablement membre de la meute de Cornick. Je me demande bien quel lien peut avoir ce loup avec mon jouet à l’esprit si particulier. Mais, plus que cela, c’est l’odeur qu’il dégage, ce sentiment particulier qui retient mon attention. Ce jeune loup semble préoccupé. Après tout, il sera une distraction comme une autre. Regagnant le sol, j’approche de l’endroit où il se tient, ne révélant pas pour autant ma présence dans l’immédiat. De toute façon, il ne peut ignorer que je suis présent, saut si son odorat lui fait défaut. J’en ai rapidement la confirmation au grognement qui émet. Ce qui ne fait qu’accentuer mon sourire au passage. Allons, à croire que les loups ne savent faire que cela lorsqu’ils croisent l’un des miens ! Je finis par sortir de l’ombre, approchant à distance raisonnable du jeune homme. Franchement, sa tenue contraste avec la mienne. J’ai beau être venu pour tuer, je n’en porte pas moins un costume taillé sur mesure.

--Voyons, mon jeune ami, pourquoi grogner de la sorte sans motif sérieux ?

Je le détaille plus attentivement maintenant que je me tiens non loin de lui. Il faut se méfier avec ces petites bêtes, tout comme les vampires, leur apparence ne reflète pas leur âge véritable. Malgré tout, les années, les siècles même, aidant, je sais avoir affaire un gamin en termes d’immortel. Ce qui peut être amusant, instructif même, s’il n’a pas déjà été corrompu jusqu’à la moelle par les idées « pacifistes » de Cornick. Au même titre que les jeunes vampires, les louveteaux apprécient guère se voir priver d’une part de leur « liberté » d’action.

--Permettez que je me présente, Sergej Berchov, Roi Vampire et herboriste dans une charmante petite bourgade se nommant Aspen Creek. M’est-il permis de savoir à qui j’ai l’honneur ?

Commençons par les présentations, le reste viendra naturellement selon mon expérience.

--Vous semblez contrarié, une oreille étrangère en guise de public ainsi que de quoi manger vous tente ?

Dans le meilleur des cas, il va accepter. Dans le pire, m’attaquer et périr. Ce qui serait dommage, j’aime bien son air effronté et rebelle.

Debout dans la ruelle, Aydan n'aimait pas l'odeur qui s'approchait de plus en plus de lui. Tout comme la plupart de ses congénères, il se méfiait des vampires comme de la peste. Il avait déjà beaucoup de mal à faire confiance aux personnes innocentes, alors un buveur de sang... Néanmoins il était sous forme humaine, ce qui le rendait moins fort, et ses connaissances sur son adversaire étaient infimes. S'il entamait le combat, il n'avait donc aucune chance de s'en tirer. Il savait qu'il ne fallait jamais sous-estimer son ennemi sous peine d'avoir de sacrées surprises en retour. Cependant, cela ne l'empêchait pas de le mettre en garde. Il laissa donc son grognement se faire entendre jusqu'à ce qu'un homme à la peau extrêmement pâle arrive devant lui. Là il l'écouta sans rien ajouter. S'il en jugeait ce qu'il venait de lui dire, il avait comprit qu'il n'était pas très vieux, ce qui en soi n'était pas spécialement une bonne nouvelle. S'il savait qu'il manquait d'expèrience, il risquait d'en profiter. Aydan pour sa part était persuadé que ce vampire avait pas mal de dizaines d'années à son actif. Sa façon de parler en était la preuve. Elle faisait un peu vieux jeu, mais il se garda bien de le signaler à son interlocuteur. Ou peut-être était-ce parce qu'il était "roi" des vampires ?! Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier ?! Pour le jeune loup c'était un grand mystère. Peut-être cela signifiait-il qu'il représentait l'équivalent du Marrok chez les vampires. Dans ce cas là, il devait être bien plus puissant qu'il ne le pensait. Et lui il était dans de sales draps... Essayant de camoufler son inquiètude, il répondit à sa question.

- « Aydan Skyler. Je vis également à Aspen Creek actuellement, mais je ne vous ai jamais vu là bas... »

N'ayant pas un sommeil très reposant, il lui arrivait souvent de se promener la nuit mais jamais il n'avait croisé le chemin du vampire. Il était persuadé que si ça avait été le cas il s'en souviendrait. Dans tous les cas, il ne pu s'empêcher de froncer les sourcils quand le dénommé Sergej lui parla de sa contrariété. Il avait l'impression qu'il pouvait lire en lui comme dans un livre ouvert et il n'aimait pas ça. Ne souhaitant pas se laisser entrainer aussi facilement que le voudrait le vampire, il haussa légèrement un sourcil.

- « Je ne pense pas qu'on ai le même régime alimentaire. »

Il savait très bien de quoi se nourrissaient ces êtres de la nuit et il devait bien reconnaitre que ça le répugnait un peu. Certes les loups-garous pouvaient aussi se nourrir d'humain mais au moins ils les tuaient avant de manger leur chair. Ils ne les faisaient pas souffrir en les vidant de leur sang... Néanmoins, Changer demandait beaucoup d'énergie à un lycan et rares étaient ceux qui n'en ressortaient pas affamés. S'il pouvait tenter de cacher ses émotions, le jeune loup ne pouvait donc pas cacher indéfiniment les bruits plaintifs de son estomac. Pourtant avant que le vampire ai le temps d'ajouter quoique ce soit, il s'empressa de lui demander :

- « Et en quoi les soucis d'un loup vous intéresseraient-ils ?! »

Il doit être écrit quelque part que mes rencontres diverses et variées avec les loups-garous m’offriront toujours un moment plaisant en perspective. Je viens de tomber sur un jeune spécimen qui n’hésite pas à me montrer ses jolis crocs de lait. Je dois avouer que cette manie est quelque peu déplacée à partir du moment où je ne me montre en rien agressif à son encontre. Je finis par obtenir son nom, ainsi que son lieu de résidence. Décidément, la nuit s’annonce porteuse de promesses exquises.

--Je sors peu ces derniers temps et, quand je le fais, je ne reste pas sur Apsen. Cela peut certainement expliquer la raison pour laquelle nous ne nous sommes pas encore croisés.

Ce qui me surprend pas contre, c’est que le jeune loup ne semble pas avoir la moindre idée de qui je suis. Une bonne nouvelle d’une certaine façon. Et une découverte encore plus surprenante qui me convient à merveille. Je ne peux que sourire quand Aydan fait allusion à mon régime alimentaire.

--Ne pas manger la même chose ne signifie pas qu’il ne vous faille pas vous restaurer assez rapidement. La jeunesse a cela de commun pour nos deux espèces qu’elle rend les individus affamés en permanence. Il faut quelques dizaines d’années avant de parvenir à juguler ce phénomène.

Je le sens sur la défensive, j’en conclue qu’il n’a pas dû rencontrer beaucoup des miens avant moi. Ce qui est un bon point pour lui, il n’est donc pas corrompu par de mauvaises expériences.

--Voyez-vous, malgré nos natures respectives, je suis certain que nos problèmes ne sont pas si éloignés que vous ne semblez le penser.

Rapidement, je me mets à réfléchir. Avant toute chose, il me faut voir de quel bois est fait le jeunot qui me tient compagnie bien malgré lui. D’un geste, je lui fais signe de me suivre un peu plus loin. Lui tourner le dos n’est pas un souci, je ne risque pas grand-chose sous sa forme actuelle. Je désigne un groupe de mortels non loin.

--Vous voyez ces hommes ? Ils sont ce que l’humanité peut engendrer de pire. Il y a deux jours, ils ont laissé une jeune femme pour morte dans cette ruelle après l’avoir longuement torturée et violée durant des heures. Le problème, c’est que la jeune femme en question est l’une de mes amies. Certes, je ne nie pas me nourrir sur elle, mais avec son consentement. J’apprécie son esprit si vif et nos longues discussions.

Mes prunelles prennent l’éclat de la chasse, celle de l’attente avant de passer à l’attaque.

--De vous à moi, vous croyez vraiment que ces hommes ont le droit de vivre après avoir agi de la sorte. Je me suis renseigné les concernant. Tous les mois, ils font venir des filles qu’ils prostituent de force. Et, quand l’une d’elles n’est plus rentables, ils la tuent.

Oui, c’est un mensonge et alors ? Le jeune loup ne peut sentir le mensonge. Aucun des siens d’ailleurs ne peut savoir si un vampire ment ou non. Je finis par me tourner de nouveau vers lui.

--Même sous cette forme, vous êtes plus fort qu’eux. La question qui s’impose maintenant... Vous joignez-vous à moi pour éradiquer ces déchets de l’humanité ou préférez-vous regarder simplement ?

L’appel du sang est aussi puissant chez les garous que chez les miens. La seule différence réside dans le fait qu’un idiot a décidé que c’était malvenu que d’y céder.

L'explication du vampire sonnait juste mais le jeune loup se garda bien d'ajouter qu'au fond, ce n'était pas plus mal qu'ils ne se soient jamais croisés. Sergej le mettait mal à l'aise sans qu'il ne sache en expliqué véritablement la raison. Peut-être était-ce parce que leurs deux espèces étaient rivales depuis de nombreuses décennies ?! Il n'aurait su le dire. Après tout, c'était un phénomène qui dépassait bien fortement ses connaissances. Dans tous les cas, Aydan ne pu s'empêcher d'afficher une légère moue boudeuse lorsque son interlocuteur ne manqua pas de lui rappeler une nouvelle fois sa jeunesse en termes d'immortels. Pour qui le prenait-il ?! Un louveteau à peine sortit du nid ?! A peine venait-il de se poser cette question que le jeune lycan constata qu'il connaissait déjà la réponse. Préférant ne pas répondre, il laissa donc échapper un léger soupire contrarié. Depuis qu'il était à Aspen Creek, toutes les créatures qu'il rencontrait ne cessaient de lui rappeler son manque d'expèrience. C'était relativement frustrant à la longue. L'écoutant reprendre la parole au sujet de leurs problèmes respectifs, il se décida enfin à répondre.

- « Permettez-moi d'en douter... »

Il ne voyez pas ce qu'il pourrait avoir en commun avec une créature morte qui se nourrissait du sang des vivants. Certes il avait déjà tué pas mal de personnes mais il n'avait jamais été du genre à jouer avec la nourriture. Et puis, sa part humaine regrettait amèrement qu'il ai dû en passer par là. Bien souvent il s'était laissé emporter par la colère et depuis qu'il l'avait promis à Bran, il essayait de ne plus se laisser aller à ses pulsions. Ce qui n'était pas des plus simples, il devait bien le reconnaitre. Surtout les soirs de pleine lune... Dans tous les cas, le vampire lui fit signe de le suivre et Aydan marqua un léger temps d'arrêt. Etait-ce bien prudent ?! Où comptait-il l'emmener ?! Après tout, il était venu dans cette ville pour chercher la louve noire et non pour s'aventurer dans un plan douteux. Néanmoins, il finit par le suivre sur une courte distance jusqu'à ce que Sergej lui indique un groupe d'homme. Les observant silencieusement, il écouta chacune des paroles de son interlocuteur jusqu'à ce que la colère s'immisce de plus en plus dans son esprit. C'était un dominant, son instinct le poussait à vouloir protéger les plus faibles. Et même si en général cela concernait les loups-garous, le fait d'apprendre que des femmes innocentes étaient prises pour cibles ne lui plaisait pas du tout. Néanmoins, tous les dérapages qu'il avait connu s'étaient produits quand il était sous forme animale. Son côté humain était d'avantage récalcitrant à ce genre de pratiques. Le seul problème relevait dans le fait que son loup se nourrissait toujours de la colère que ressentait son autre moitié. Ainsi, un duel débuta en lui. Ses yeux verts laissaient parfois apparaitre une lueur dorée qui s'atténuait avant de finallement revenir. Cela dura plusieurs secondes avant que le loup finisse une fois encore par gagner la bataille.

- « Ils méritent de payer... » répondit-il d'une voix qui laissait transparaitre le côté animal.

Sans plus attendre le vampire, il se dirigea vers ses nouvelles proies. Il devait penser à toutes ses filles qu'ils avaient prostitué avant de les tuer. Certes ils ne pouvaient plus rien pour elles mais ils pouvaient faire en sorte que ça s'arrête.

Le jeune loup ne sait visiblement pas encore que faire confiance à un vampire peut se révéler suicidaire comme mode de vie. La dernière a l’avoir fait à quitter le sol américain pour aller se réfugier chez papa/maman en Irlande. Si besoin, il me sera aisé de remettre la main sur cette demoiselle louve au tempérament bien trempé. Je ne peux que noter par ailleurs que mon interlocuteur apprécie peu le fait que sa jeunesse lui soit rappelée. La chose m’amuse en définitive. De toute façon, hormis de rares exceptions, la majorité des surnats que j’ai croisés depuis mon arrivée sont bien plus jeunes que moi, d’au-moins quelques centaines d’années. Je n’en dirai pas autant de ce cher Cornick par contre. Ce loup-là est au moins millénaire selon mes calculs. Il est impossible de monter une organisation comme la sienne en quelques années. Non, il faut du temps, les moyens et les possibilités. Tout cela impose que je me décide à m’intéresser un peu plus sérieusement à ce fameux marrok. Mais ce sera pour plus tard. Pour le moment, je fais en sorte d’attirer Aydan dans mes filets pour lui montrer une autre facette de nos vies respectives. Un groupe d’humains m’offre les moyens de le faire. Bon, convaincre le jeune loup de passer à l’attaque se révèle plus ardu que je ne le croyais. Il est hésitant, un peu trop à mon goût. Mais le brusquer ne servirait à rien. J’attends simplement que la colère qu’il ressent fasse son œuvre. Difficile pour moi d’ignorer le combat entre le loup et l’humain vu la rapidité à laquelle son regard change de couleur en permanence. Un mot de trop et je sais que je perdrais le bénéfice de mon action. Pour ma part, je ne cherche pas à cacher l’excitation que me procure la situation. Quand le loup reprend la parole, mon sourire s’élargit. Je le laisse aller au-devant de nos « victimes » avant de lui emboîter le pas. L’appel du sang a été le plus fort. Il n’est donc pas entièrement corrompu.

--Faisons-les payer...

Ce n’est pas la première fois que je chasse avec un garou, je sais donc exactement quoi faire pour que la situation ne tourne pas à l’affrontement entre mon partenaire et moi. Je dénombre cinq mâles qui ne réalisent pas encore que leurs misérables vies vont prendre fin juste pour me permettre de tester Aydan. Qui, il me faut bien l’avouer, ne semble pas vraiment avoir besoin d’aide pour agir. Rapide, animal, même sous cette forme, il est impossible que ce soit la première fois qu’il tue des mortels. Adossé contre le mur, l’un des hommes contre moi, je le vide tranquillement de son sang pour profiter du spectacle. Jeune mais redoutablement efficace ! Je commence à entrevoir une coopération qui pourrait se révéler très fructueuse dans l’avenir, aussi bien pour lui que pour moi. Pour peu que je parvienne à le convaincre aussi.

--Une bonne chose de faite !

Je ne cache pas ma satisfaction de voir les cinq cadavres à nos pieds. Une attaque rapide, quoique un peu désorganisée par rapport à ce que je connais -explicable par le manque de préparation cela dit- et un loup visiblement partisan des décisions définitives quand cela s’impose.

--À défaut de partager un repas, je t’offre un verre. Rester ici n’est pas la chose à faire dans l’immédiat. Autant ne pas se faire repérer.

Je n’attends pas sa réponse pour me mettre en mouvement. Je sais où trouver un bar qui nous garantira toute la discrétion voulue. Libre à lui de me suivre ou non. Voir même de finir son repas si le cœur lui en dit. Il me faut peu de temps pour parvenir à destination. Je m’installe à l’écart, là où personne ne viendra me déranger. Bon, l’endroit est glauque à souhait, ressemble plus à coupe-gorge qu’à un pub irlandais, mais j’aime assez l’atmosphère qui se dégage du lieu. Je fixe la porte, histoire de savoir si Aydan va se joindre à moi, ou poursuivre sa route.

Alors qu'il s'élançait vers le groupe d'hommes, Aydan n'était plus vraiment maître de son corps, ayant abandonné la partie face à son loup. Ce dernier s'était nourri de sa colère comme il avait si bien l'habitude de le faire. Le jeune lycan savait qu'il devait apprendre à se maitriser pour ne plus perdre le contrôle, mais il devait bien reconnaitre que tout seul il n'y arrivait pas. A chaque fois qu'il entrait en conflit avec sa part animal, cette dernière remportait aisément la partie. Même si ça lui faisait mal de le reconnaitre, il allait devoir trouver quelqu'un pour l'aider s'il voulait finir en un seul morceau. Bran avait été très clair, il ne devait plus perdre le contrôle s'il voulait rester en vie. Ce qui était plutôt mal partie en soi... Car dès qu'il eu entamé le combat, le loup se montra aussi féroce qu'efficace. La peur dans les yeux de ses proies ne fit qu'attiser son envie de tuer. Quelques minutes plus tard, il était encerclé par des corps inertes qui jonchaient le sol. Les observant d'un regard froid, il se garda bien d'y toucher. Il n'avait jamais goûté à la chair humaine autrement que sous forme lupine et il n'y avait pas de raisons pour que ça change. Tentant de se calmer peu à peu, il hocha légèrement la tête en réponse à la remarque de Sergej. Ces cinq hommes n'utiliseront plus de faibles femmes pour mener à bien leurs projets et c'était tant mieux.

En revanche, le loup se demanda si c'était bien sage de suivre un vampire. Si son humain avait commencé à l'écouter, lui pour sa part se montrer plus méfiant. Certes il n'était pas contre céder à l'appel du sang de temps en temps mais de là à faire confiance à une espèce si peu fiable... Restant immobile pendant de longues secondes, il pesa le pour et le contre. Sergej pouvait très bien avoir un plan derrière la tête, comme il pouvait très bien ne pas en avoir. Et dans tous les cas, il avait raison sur un point : il ne serait pas prudent de rester à proximité du carnage. Reniflant légèrement, il emboita donc le pas au vampire et le rejoignit à l'intérieur du bar. Après avoir parcouru les alentours du regard, il alla s'installer en face de son compagnon d'un soir. L'endroit n'avait pas l'air très fréquentable et il préférait rester sur ses gardes.

- « Ça vous arrive souvent de "copiner" avec des loups ?! »

Le ton était assez distant pour que l'on comprenne aisément que l'animal était toujours au pouvoir, relayant l'humain à la place de spectateur. S'il avait accepté de suivre Sergej, le jeune lycan n'en restait pas moins dubitatif. Que lui voulait réellement le vampire ?! S'il ne le savait pas pour l'instant, il espèrait bien le découvrir tôt ou tard. Portant son attention sur la serveuse qui venait d'arriver à leur table, il passa sa commande sans plus attendre.

- « Une téquila s'il vous plait. »

S'il s'était montré poli, son ton n'avait rien de chaleureux. Son regard n'avait d'ailleurs toujours pas retrouvé sa couleur verte habituelle lorsqu'il reporta son attention sur son acolyte. Il était curieux d'entendre ce qu'un vampire pouvait bien commander dans un bar. Le sang ne devait certainement pas être à la carte.

L’alibi trouvé pour appâter le jeune loup a fonctionné à merveille. Improvisé certes, mais finalement tout aussi efficace qu’un scénario monté de toutes pièces. Et je dois dire qu’il me plaît bien le gosse. Impulsif, nerveux, sans pitié, je suis certain que le manipuler doit être possible. Cinq cadavres plus tard, je suis satisfait et c’est naturellement que je me dirige vers un bar pour y trouver un lieu plus propice à la discussion. Et surtout loin de la scène du crime aussi. Il serait idiot de se faire prendre la main dans le sac alors que la soirée se déroule à merveille pour le moment. Installé au bar, je dissimule ma satisfaction de voir Aydan se joindre à moi. Je le laisse prendre place à sa guise sans montrer le moindre signe d’impatience. Sa prise de parole m’indique qui est encore aux commandes. Que répondre à une telle question. Le terme employé n’est pas le plus exact non plus selon moi. L’arrivée de la serveuse m’empêche de répondre dans l’immédiat.

--Une vodka pour moi, je vous prie. Sans glace.

Je reporte mon attention sur le garou une fois l’humaine repartie chercher notre commande.

--La première fois que j’ai croisé l’un des vôtres, c’était au début du XIIIème siècle. C’est l’époque où j’ai commencé à fréquenter un cercle privé d’herboristes au sein duquel toutes les races cohabitaient. Comme vous pouvez le constatez, ce n’est donc pas récent. Bien que j’avoue peu pactiser avec les vôtres, ce n’est pas pour autant que je vous considère comme un ennemi naturel.

Au contraire même, je demeure certain qu’une alliance serait profitable aux deux races, pour peu que Cornick en comprenne tout l’intérêt. Chose dont je doute fortement malheureusement. Ce loup est trop occupé à chercher le moyen de faire accepter les siens par les humains pour se soucier d’autre chose.

--J’ai pour habitude de me montrer civiliser en toute circonstance surtout. Peu des miens le sont, je le reconnais bien volontiers.

Tout en discutant, j’observe mon compagnon de la nuit pour voir comment il se comporte après une bonne tuerie. Visiblement, il se contrôle pas trop mal, bien que quelques progrès ne seraient pas superflus. C’est ce qui impose mon murmure pour le mettre « gentiment » en garde contre une possible mise en danger involontaire de sa part.

--Il me semble que la serveuse soit tombée sous le charme de l’ambre de votre regard, mon cher.

L’humaine choisit ce moment pour venir poser nos verres sur la table. Je lui adresse un sourire en guise de remerciement. Quoi qu’il se passe, il me sera aisé de la manipuler pour qu’elle oublie certaines choses. Pas toutes, mais une bonne partie, si jamais cela s’impose.

--Laissez-moi vous remercier pour votre aide précieuse dans la ruelle. Vous êtes un combattant redoutable, j’avoue. D’ordinaire, les vôtres rechignent à intervenir. Pour être franc, je ne vois pas en quoi éliminer ce genre d’humains puisse poser un souci d’étique. Et Dieu seul sait à quel point je les aime ces mortels !

Surtout en en-cas ou dans ma couche quand cela est possible. Ou n’importe où d’ailleurs pour peu que j’y trouve mon plaisir. Ne soyons pas stupide, sans les humains, les vampires ne surviraient pas longtemps. Boire du sang animal n’est pas suffisant et bien moins jouissif surtout. Il manque cette saveur particulière que fournit l’odeur de la terreur de la proie du moment.

--Suis-je indiscret si je vous demande ce que vous êtes venu faire à Kalispell ? Après tout, vous savez déjà ce que j’étais venu faire ici pour ma part.

Qui sait, je pourrais peut-être apprendre quelque chose d’intéressant. Je perçois quelque chose chez Aydan que je parviens pas à identifier. Il n’est pas comme les autres loups que j’ai pu croiser à Aspen. Il est plus... sauvage. Oui, c’est cela. Moins lisse que ses congénères, plus instinctif.

Ecoutant avec attention le vampire, Aydan ne pu s'empêcher d'hausser imperceptiblement un sourcil quand il mentionna le XIIIème siècle. Indirectement, il venait de lui avouer qu'il avait au minimum 800 ans... Il y avait de quoi être perplexe non ?! Bien qu'immortel à présent, il avait encore du mal à se faire à l'idée qu'il cotoyait des personnes aussi âgées. Sergej était-il aussi vieux que Bran ?! Le vieux loup n'avait jamais voulu lui dire son âge, il ne pourrait donc jamais en être certain. Dans tous les cas, il resta attentif à la suite de la conversation. Le vampire avait l'air assez honnête même si Aydan savait qu'il fallait toujours se méfier des apparences. Néanmoins, il n'était pas entièrement d'accord avec lui concernant les ennemis naturels. Leurs deux races ne s'étaient jamais vraiment bien entendues d'après ce qu'il avait entendu et lui-même avait sentit la méfiance l'envahir à chacune des rares fois où il s'était trouvé en présence d'un vampire. Cependant, il devait bien reconnaitre qu'il n'avait pas spécialement envie de sauter à la gorge de son interlocuteur. Comme il venait de le dire, il se tenait de manière civilisée, il n'y avait donc aucune raison qu'il soit agressif avec lui.

En revanche, lorsqu'il lui fit une remarque concernant ses yeux, le jeune loup baissa précipitamment le regard. A peine eut-il le temps de fermer les yeux qu'un nouveau combat éclatait entre l'humain et l'animal. Aydan essayait de repousser au mieux son loup mais ce dernier semblait ne pas vouloir reculer. Heureusement, la colère n'était plus de la partie et le jeune homme réussit à avoir le dessus cette fois-ci. Lorsqu'il rouvrit les paupières, ses prunelles avaient retrouvé leur couleur verte habituelle. Il pu donc reporter son attention sur la serveuse l'espace d'un instant, le temps de la remercier pour le verre.

Une fois qu'elle se fut éloignée, il voulu répondre au vampire que son loup aimait bien indiquer sa présence mais il n'en eu pas le temps. Sergej le remercia pour son aide dans la ruelle, ce qui lui arracha un léger rire sarcastique.

- « Disons que mon loup n'a pas la même étique que moi... »

C'était d'ailleurs ce qui lui posait problème la plupart du temps. L'animal n'en faisait qu'à sa tête et l'humain était ensuite envahi par les regrets. Cela faisait huit ans que c'était ainsi et il n'avait jamais réussi à changer les choses. Les loups plus anciens ne cessaient de lui donner des conseils, mais il ne pouvait s'empêcher que c'était plus facile à dire qu'à faire. Et puis il devait bien reconnaitre qu'il espèrait que la colère de son loup l'aiderait si jamais il arrivait à retrouver la louve qui l'avait Changé. D'ailleurs en parlant de ça... Il hésita un court instant avant de répondre à la question du vampire. Dévoiler ses intentions à quelqu'un qu'il connaissait à peine n'était peut-être pas la meilleure des choses à faire. Cependant, Sergej lui avait indiqué pourquoi il était dans cette ville, la moindre des choses était d'en faire autant. Après avoir bu une gorgée de son verre, il se décida donc à lui fournir des explications.

- « J'ai suivi une piste... Je suis à la recherche de la louve qui m'a Changé il y a huit ans. Elle a tué mes parents et ma fiancée, et j'ai bien l'intention de les venger... »

Sa réaction pouvait paraitre irraisonnée mais peu importe. C'était son but depuis presque une décennie et il espèrait bien pouvoir l'atteindre un jour.

Je l’aime bien ce jeune loup finalement. Non seulement, il a gardé cette part commune que nous possédons, notre instinct de prédateur, mais en plus, cela ne semble pas lui poser de réels soucis d’étique. Et quand on sait ce qu’il peut en coûter à un garou d’agir de la sorte, je ne peux m’empêcher d’apprécier un peu plus Aydan. Certes, il reste un loup, et donc un allié potentiel en qui il ne faut pas avoir une confiance aveugle. Mais qu’importe, je suis certain que le connaître mieux peut me servir. Ma réflexion sur l’ambre de son regard fait revenir l’humain en premier plan. Je ne peux que sourire à ses propos.

--Il me plaît bien votre loup.

Pas seulement pour sa sauvagerie, mais aussi parce que mon interlocuteur est loin de passer inaperçu. Et, quand on connaît certains de mes penchants, mon intérêt peut rapidement engendrer une certaine tension chez ceux qui en font les frais. Reste qu’un garou d’Aspen n’a pas de réelle raison, selon moi, de se trouver loin de la meute, surtout seul. Je m’enquiers donc de la raison qui a pu pousser celui-ci à venir jusqu’à Kalispell. Je m’attendais à beaucoup de raisons, j’avoue, mais certainement pas à celle qu’il me fournit. Je le savais jeune, je découvre à quel point la chose est vraie. Huit ans... Si court comme laps de temps, du moins pour le vampire millénaire que je suis.

--J’en déduis que votre piste a fini par refroidir et que vous n’avez pas trouvé l’objet de votre recherche, n’est-ce pas ?

Une chose m’interpelle cependant. Hormis un garou solitaire, je me demande bien pour quelle raison sa famille a été décimée de la sorte. Voilà qui demande à être éclairci rapidement, pour voir s’il m’est possible de me servir de cela pour m’assurer une bonne entente avec Aydan. Surtout quand on sait quel sort est réservé aux garous solitaires qui agissent de la sorte. Et je connais peu de loups qui tuent sans raison aucune, surtout une famille complète. Je ne sais pas pourquoi, mais cela ressemble un peu trop à un « contrat ». J’en déduis, sans doute à tort, qu’Aydan devait lui aussi mourir ce jour-là. Je vois mal un immortel, peu importe sa race, laisser un témoin derrière lui de toute façon.

--Ma question va sans doute vous sembler saugrenue, voir même déplacée, mais êtes-vous parvenu à savoir pourquoi cette louve vous avait attaqué ? Cela pourrait vous fournir une base de départ pour vos recherches. Et vous permettre de la retrouver ainsi. Que vous vouliez vous venger me semble normal, je ferais de même dans votre situation, sans la moindre hésitation. Mais, si vous la cherchez depuis huit ans sans parvenir à la trouver, cela signifie peut-être que votre méthode n’est pas la bonne.

Chose dont je suis certain. La louve qui l’a transformé, qu’elle ait été, ou non, jeune à l’époque, à toujours au minimum quelques années de plus et tout autant d’avance dans son évolution. Autant dire qu’il n’est pas au bout de ses peines. Sauf s’il est capable de reconnaître l’odeur de la louve incriminée, chose dont je doute vu qu’il ne disposait pas de son odorat actuel lors de l’attaque, il y a malheureusement peu de chances qu’il parvienne à obtenir réparation. Tout en sirotant mon verre, je réfléchis aux multiples raisons qui auraient pu pousser une garou à attaquer de simples mortels. Hormis la folie, j’avoue qu’il y a tant de possibilités que les énumérer toutes me prendrait pas mal de temps.

--À quoi ressemblait cette louve ? Je me permets de vous le demander vu que j’ai énormément voyagé et que j’ai croisé bon nombre des vôtres durant mes périples. Qui sait, elle fait peut-être partie des loups que j’ai rencontrés.

Voyons si je détiens des informations qui pourraient me servir, pour peu que le jeune loup daigne me répondre cependant.

Étrange sentiment qui parcouru le jeune loup à ce moment là. Bien que ça pourrait lui être utile un jour, il n'était pas vraiment fier de l'attitude que pouvait parfois avoir la partie animale de sa personne. A cause d'elle il avait déjà laissé bon nombre de morts sur son passage au cours des dernières années et il regrettait un peu que cette liste se soit allongée durant l'heure précédente. Ce ne fut donc pas avec plaisir qu'il entendit la remarque du vampire. Il était tiraillé entre les deux parties de son être et il se demandait si ces dernières arriveraient à s'accorder un jour. Baissant légèrement le regard, il répondit alors sur un ton plutôt neutre.

- « Ça, je n'en doute pas... »

Qu'aurait-il pu attendre d'autre d'un être qui se nourrissait de sang humain ?! Tout comme les loups-garous, les vampires étaient des tueurs, quoiqu'ils fassent. Il ne pouvait donc pas blamer Sergej d'approuver le côté sanguinaire de son loup. D'autant plus que leur conversation finit par dévier sur un autre sujet : la raison de sa venue à Kalispell. Si le jeune loup n'aimait pas parler de sa vie et encore moins de ses intentions, il finit tout de même par avouer la vérité à son interlocuteur. En entendant sa réponse, il ne pu s'empêcher d'hausser légérement un sourcil. Quelle perspicacité ! S'il avait mis la main sur cette louve, il n'y avait aucun doute à avoir sur le fait qu'il serait en train d'en découdre avec elle à l'heure qu'il était. Néanmoins, Sergej sembla intrigué par toute cette histoire puisqu'il lui exposa son point de vue sur la question. Le pourquoi du comment... C'était un problème qu'il n'avait jamais réussi à résoudre en huit ans et il espérait bien avoir un jour des réponses à ses questions. Baissant le regard sur son verre, il répondit donc d'un air pensif.

- « Non, je n'ai jamais trouvé d'explication. La seule chose que j'ai apprise, c'est que ma mère était une sorcière. »

Il se souvenait très bien avoir été choqué le jour de sa découverte. Et pourtant à présent, il se rendait compte que cela n'avait pas une réelle importance sur le but qu'il recherchait. Ou tout du moins, peut-être cela en avait-il une mais qu'il n'avait pas encore trouvé la quelle. Après huit ans de recherche, il n'avait pas trouvé un seul indice qui pourrait l'aider. Ce fut donc avec intérêt qu'il entendit la dernière remarque du vampire. Il est vrai que depuis le temps qu'il existait, Sergej avait dû rencontrer énormément de monde. Peut-être avait-il eu l'occasion de croiser la louve au cours de sa longue existence. Reportant son attention sur le vampire, il répondit donc à sa question avec entrain.

- « Elle est assez imposante, de couleur noire... Elle a des grandes prunelles couleur or. Ça vous dit quelque chose ?! Ça serait formidable parce que c'est le seul indice que j'ai... Et vu que les louves se promènent plus souvent sous forme humaine que sous forme animale... »

A son grand regret d'ailleurs. Il perdait souvent du temps à attendre qu'une louve qu'il surveillait veuille bien montrer le bout de son museau. Le bon exemple était Shaneah. Bien qu'il doutait que ce soit l'objet de toutes ses recherches, il n'en demeurait pas moins qu'il n'avait pas encore eu l'occasion de voir sa louve.

Certains, même parmi les miens, ont souvent du mal à accepter le prédateur sanguinaire qu’ils sont devenus en embrassant l’immortalité. Mais, contrairement aux loups, nous ne tuons pas les nôtres sous le prétexte futile qu’ils ont mis un mortel à mort. Chasser nous est vital, tout le monde sait cela. Même Cornick, j’en suis certain. Je comprends donc difficilement sa positon sur le sujet. Surtout que satisfaire ses envies, c’est aussi un moyen d’apprendre à les contrôler. Enfin, passons, il est clair qu’une partie du mode de fonctionnement des loups m’échappera toujours. J’écoute les réponses fournies par Aydan. L’une d’elles m’interpelle. Il semble que l’attaque ne soit finalement pas un simple concours de circonstances. Ainsi donc, la mère du jeune loup était une sorcière. Ce simple fait peut expliquer l’attaque dont sa famille a été victime. Et, quand il me parle enfin de la louve, je ne peux m’empêcher de penser au « jouet » de Victor Phantorn, Thémis. Bien que je ne l’ai jamais vue sous sa forme lupine, les descriptions qui en ont été faites sont assez semblables à la louve que cherche Aydan. Assez pour que cela impose que je me renseigne.

--Je vais être franc, je ne pense pas que ta famille ait été décimée par hasard. Quand on connaît les relations qu’entretiennent les sorciers avec les autres races, il est fort probable que ta mère dérangeait, ou a contrarié, même involontairement, une personne assez rancunière pour ordonner son exécution.

Bien, à partir de maintenant, il va falloir que je mesure la moindre de mes paroles si je tiens à ce que ce jeune loup puisse me servir dans un avenir proche.

--Si la louve a agi sur ordres, je devrais pouvoir trouver qui en a donné l’ordre. Plutôt que de chercher la louve, cherche qui a tiré profit de la mort de ta mère. En le découvrant, il te sera plus facile de pister la responsable. Personne ne peut se rendre entièrement invisible, pas même un vampire. Il demeure toujours une trace, même infime, de nos actions. L’un de mes amis a d’excellentes relations avec les sorciers, sa compagne étant une sorcière. Si jamais il y a eu un contrat, il le saura. Et s’il a des infos, je verrais avec lui s’il accepte de te rencontrer.

Aucun loup ne s’attaquerait à une sorcière sans raison. De cela, j’en suis certain. Qu’Aydan soit toujours en vie après une telle attaque par contre, cela relève du miracle. La louve a dû croire qu’il était aussi un sorcier pour ne pas s’assurer de sa mort. Une erreur impardonnable selon moi et qui devrait être sanctionnée durement. Je fais signe à la serveuse de venir me servir un second verre, histoire d’avoir le temps de la réflexion.

--Elle connaît ton odeur, elle ne se montrera pas sous sa forme animale si tu te trouves dans les parages. Surtout que je doute que tes recherches ne lui soient pas parvenues aux oreilles. Si cette louve te croise, elle fera en sorte que tu ne puisses l’identifier. Tu devrais laisser entendre que tu as renoncé à te venger. Ainsi, elle pensera, avec un peu de chance, qu’elle ne risque plus grand-chose de ta part. Je t’ai vu te battre. Même si elle est plus vieille que toi, tu es un redoutable combattant. Et il vaut mieux que cette louve l’ignore jusqu’à votre rencontre. Tu bénéficieras ainsi de l’effet de surprise qui pourrait te donner l’avantage dans le combat qui s’ensuivra.

Aydan n’a visiblement pas de connaissances en matière de stratégie guerrière. C’est dommage, cela lui aurait certainement état fort utile dans sa quête.

--Les louves ne sont pas légion, les noires encore moins. J’en ai croisé deux depuis mon arrivée pouvant correspondre à ta description.

Dont une que je sais capable d’une telle chose sur ordre. Et, connaissant Victor, il est possible qu’il soit derrière toute cette histoire. Mais pas uniquement lui non plus. Mon nouveau statut va me permettre d’obtenir des informations plus facilement. Je sais déjà qui appeler pour cela. Dans les vampires qui me sont fidèles, certains sont excellents pour trouver ce qui a été effacé.

--Si vous le désirez, je peux me renseigner et vous tenir au courant de l’avancée de mes recherches.

Je ne fais pas cette proposition sans arrière-pensée, vous vous en doutez bien. Il faut toujours honorer ses dettes et je suis certain de trouver de quoi faire en sorte que ce jeune loup me soit redevable. Il me faut un nouveau pion sur l’échiquier, Aydan serait parfait pour cela. Surtout maintenant que j’ai perdu ma délicieuse petite louve irlandaise.

Jouant distraitement avec son verre, Aydan écouta Sergej lui exprimer le fin fond de sa pensée. Le jeune loup ne pu s'empêcher d'hocher légèrement la tête en entendant parler ainsi de sa mère. Il n'avait jamais imaginé que les actions de cette dernière puissent être l'élèment déclencheur du massacre de sa famille. Elle était tellement douce et attentionnée avec lui... Comment aurait-elle pu contrarier quelqu'un au point qu'il souhaite se venger de la pire des façons qui soit ?! Lui même avait des idées de meurtre, mais c'était pour venger un triple assassinat. Alors était-ce possible que sa mère ai tué quelqu'un pendant sa vie ?! Après tout, elle lui avait mentit sur plusieurs points. Avant son décès, il ignorait qu'il descendait d'une famille de sorciers et il ignorait également que son véritable nom était Skyler. De quoi remettre beaucoup de choses en question en somme...

Mais comment obtenir des réponses ?! Un peu perdu face à tout ça, Aydan fut ravi d'entendre Sergej lui soumettre des suggestions. Alors qu'il commençait à désespérer un peu d'atteindre un jour son but, cet allié arrivait au bon moment. Non seulement il lui expliquait la marche à suivre, mais en plus il allait faire marcher ses relations pour obtenir des informations. Il est vrai que si le jeune loup avait connu d'autres sorcières, ça aurait pu grandement l'aider dans sa quête. Malheureusement, il ignorait si d'autres membres de sa famille maternelle étaient encore en vie ou non. Et après lui avoir caché sa nature pendant toutes ces années, elle n'allait certainement pas lui présenter ses amies sorcières. Alors que le vampire faisait signe à la serveuse de lui servir un second verre, Aydan répondit donc simplement :

- « Merci, votre aide pourrait m'être précieuse... »

Suite à cela, le vampire entama un nouveau monologue dans lequel il lui expliqua une stratégie à suivre. Son idée n'était pas mauvaise mais il n'était pas vraiment persuadé que la louve se soucie outre mesure de son existence, même si elle savait qu'il était à sa recherche. Elle devait avoir pas mal d'années de plus que lui et s'il se rappelait bien le carnage qu'elle avait fait chez lui, elle devait être assez dominante. Bon, même si elle regrettait de ne pas savoir à quel point. S'il pouvait se rappeler de son apparence pour l'avoir vu de près, il ne pouvait en revanche se souvenir d'autres détails à son sujet. Il n'était pas encore un lycan à l'époque, ses sens n'étaient donc pas les mêmes. Baissant le regard, il se montra alors pensif quelques instants.

- « Vous avez peut-être raison, je devrais essayer... »

Il n'eu pas le temps d'ajouter grand chose de plus puisque le vampire reprit la parole. Décidément, si le jeune loup n'était pas bavard, ce n'était pas le cas de son interlocuteur. Et heureusement d'ailleurs... Puisque les mots qu'il prononça intéressèrent fortement Aydan. Si le vampire connaissait la louve en personne, ça pourrait être d'autant plus pratique. Cependant, le jeune lycan n'était pas des plus naïfs et il ne pu s'empêcher de lancer un regard suspicieux au vampire.

- « Ça pourrait m'intéresser oui mais vous voulez quoi en échange ?! »

S'il avait bien apprit une chose dans sa vie, c'était que rien n'était gratuit. Certes Sergej semblait être à peu près acceptable pour un vampire mais il n'en restait pas moins un buveur de sang. Quelque chose au fond de lui poussait Aydan à ne pas lui faire confiance à cent pour cent. Certes son aide pourrait lui être précieuse, mais il ne voulait pas non plus vendre totalement son âme au diable.

Le jeune loup réfléchit, tergiverse beaucoup aussi visiblement, semble réaliser qu’il est loin d’avoir exploité toutes les possibilités pour mettre la patte sur la louve qu’il recherche. Combattant oui, mais pas meneur d’hommes pour deux sous de ce que je peux constater. Ce qui me convient à merveille vu que cela me permet de conserver l’avantage dans notre discussion. Tuer, il sait faire et son loup aime cela. Même si le manipuler sera certainement plus délicat que ma petite louve, il n’en demeure pas moins que je devrais parvenir à mes fins avec celui-ci aussi. Je secoue doucement la tête.

--Veille à ne jamais remercier autrui directement. Je ne suis pas un Fae, c’est une chance pour toi sinon tu deviendrais de fait mon esclave. Apprécie l’aide offerte, mais jamais plus. Je te le dis pour ta propre sécurité. Les Faes, bien qu’ils se montrent sous un meilleur jour que les miens, n’en sont pas moins dangereux.

Je commence à me dire que personne n’a pris le temps d’expliquer les choses à Aydan, que personne ne s’est réellement soucié de son bien-être depuis son Changement. Ce qui me surprend vu toute la « publicité » faite par les Cornick comme quoi ils veillent sur les leurs. Enfin, je continue mon explication, parlant pour deux vu le mutisme du jeune loup. Le moins que je puisse dire, c’est qu’il n’est pas loquace. En attendant, j’en apprends suffisamment sur l’objet de ses recherches pour avoir un début de réflexion sur comment le trouver. La en fait puisqu’il s’agit d’une louve. Et peu d’entre elles sont capables de commettre un tel massacre. Surtout quand il s’agit de s’attaquer à une sorcière. De fil en aiguille, je tisse un peu plus la toile qui enfermera Aydan et le rendra redevable à mon encontre. Bien sur, il est loin d’être dupe, je peux le sentir. La méfiance est de mise, mais je finis par me demander s’il n’est pas toujours ainsi envers les autres. Cela semble trop... naturel pour ne pas attirer mon attention un peu plus. Si mes doutes se confirment, cela pourrait impliquer qu’il soit ainsi envers les autres loups aussi. Et cela, je ne peux le négliger. Un garou isolé est plus facilement malléable. Je le sais pour l’avoir déjà testé et observé.

--Être assuré que tu ne chercheras pas à me tuer serait un bon compromis je trouve... quelle qu’en puisse être la raison évidemment.

En clair, même sur ordre, il ne tentera rien contre moi. Pas même si j’en viens à tuer l’un des siens. Certes, le prix peut sembler dérisoire, je l’admets. Mais, replacé dans le contexte de l’échiquier politique actuel, ma demande n’est pas si anodine qu’elle n’y paraît. Sans compter qu’il sera bien assez tôt d’exiger autre chose de lui quand le moment sera venu. Parce que je compte bien trouver cette louve et la lui offrir sur un plateau d’argent. Au sens propre, comme au sens figuré d’ailleurs. Mais seulement après m’être amusée avec cette femelle. Elle n’en sera que plus vulnérable face à l’un des siens, même plus jeune qu’elle. Pour cela, il me faut des renseignements qu’Aydan possède sans forcément en avoir conscience. Ne pas avoir été un loup le jour de l’attaque ne signifie en rien qu’il ne peut avoir conservé en mémoire des renseignements précieux sur cette louve noire. Je sais comment les lui soutirer, il ne me reste plus qu’à le convaincre de me laisser faire. S’il s’agit de Thémis, je pourrais ainsi le savoir sans faire appel à quiconque. Sans forcément le révéler à Aydan non plus d’ailleurs. M’en servir pour « dresser » un peu cette louve me plairait assez je dois avouer. Pour le moment, je laisse mon jeune interlocuteur méditer sur ma proposition. Inutile de faire preuve d’impatience, il finira bien par me donner réponse à un moment ou à un autre.

--Il existe une méthode qui pourrait nous fournir des éléments précieux, mais... il faudrait avoir une totale confiance en moi pour que cela fonctionne.

Et, quand je parle de confiance, je parle d’une mise à nu en règle de l’âme de ce loup. Pas certain qu’il apprécie la chose. Mais, je reste persuadé que ce gamin en a bien plus dans le ventre que des loups plus âgés que lui. Preuve en est qu’il est toujours en vie, même après vécu sans le moindre soutien. Ce qui dénote d’une sacrée force de caractère, même si ça me coûte de l’admettre. Ceci dit, j’ai au moins l’intelligence de reconnaître les qualités de mes adversaires.

--Il est possible que certains détails soient toujours dans ta mémoire. Une séance d’hypnotisme pourrait t’aider à les réactiver et à t’apporter, la chose est à envisager sérieusement, des réponses à certaines questions que tu te poses. Y compris des informations sur cette louve que tu détiens forcément, mais que ton esprit à bloquer suite au choc traumatique.

Non, je ne me propose pas pour le faire. J’en ai les moyens cependant. Tout comme je sais aussi vers qui le diriger le cas échéant si jamais cette idée le tente.

Baissant légèrement la tête quand le vampire le "réprimanda", Aydan s'en voulu d'avoir fait une nouvelle erreur. Bien qu'il n'ai aucune envie de montrer ses faiblesses, sa jeunesse et son manque de connaissances en matière d'êtres surnaturels ne cessaient de lui jouer des tours. Bien que les Faes se soient révélés aux yeux de tous, il n'en restait pas moins qu'il ne les connaissait pas plus que ça. Il n'était même pas sûr d'en avoir déjà rencontré un. Néanmoins, on apprenait toujours de ses erreurs et ce fut donc avec grand soin qu'il nota les conseils de Sergej dans son esprit. Certes les paroles d'un vampire ne devaient pas toujours être prises pour argent comptant, mais dans ce cas précis, le jeune loup était persuadé qu'elles étaient censées. En revanche, ce qui l'étonna un peu plus, ce fut les mots qu'il entendit ensuite. Son interlocuteur pensait-il réellement qu'il pouvait être une menace pour lui ?! Même s'il l'attaquait, Aydan était persuadé pour sa part qu'il n'avait aucune chance. Sergej était bien plus âgé et expérimenté que lui. Comment pouvait-il penser qu'un jeune garou serait assez fou pour l'attaquer ?!

Réfléchissant, le jeune Skyler se dit que ce n'était peut-être pas si idiot que ça. Quand la colère prenait le dessus sur lui, il ne s'apercevait pas toujours de ce qu'il faisait. Jusqu'à maintenant, ça ne lui avait jamais posé de réels soucis mais il savait que ce n'était qu'une question de temps. Il avait juste fait preuve de chance, voilà tout.

- « Ça pourrait peut-être se faire oui. »

Malgré sa jeunesse, le jeune loup rechignait à donner une réponse ferme et définitive. Il ne savait pas de quoi serait fait l'avenir et il n'avait pas envie d'être face à un lourd dilemne s'il devait un jour s'en prendre au vampire. Néanmoins, il savait qu'il pouvait aussi se montrer fourbe au besoin et si jamais cela devenait nécessaire un jour, il n'hésiterait pas à revenir sur sa parole. Tout était une question de priorités. Ce qui d'ailleurs est également valable pour la proposition du vampire concernant l'hypnose. En entendant ce mot, Aydan ne pu s'empêcher d'arquer légérement un sourcil. S'il n'avait jamais pensé à cette solution, c'était certainement parce qu'elle pouvait se montrer très risquée. Sous hypnose, il savait qu'il pourrait révéler le moindre secret qu'il gardait enfoui au plus profond de lui. C'était comme se mettre à nu mais en pire. Il devrait faire une totale confiance à l'hypnotiseur, or il n'était pas vraiment réputé pour faire confiance aux autres...

Baissant le regard vers son verre, il garda le silence pendant de longues secondes. Tout se bousculait dans sa tête. Comment pourrait-il faire confiance à un vampire qu'il ne connaissait que depuis une poignée d'heures à peine ? Et d'un autre côté, ses prunelles ne cessaient de changer de couleur à l'idée de retrouver cette louve. Son but ultime, ce qu'il recherche depuis huit ans. S'ils arrivaient à découvrir l'identité de l'assassin de ses parents, il lui serait beaucoup plus facile de la retrouver et de la tuer. Il savait qu'il avait promis à Bran de rester tranquille mais là... Sentant la colère l'envahir de nouveau, il releva la tête vers le vampire avant de répondre sur un ton déterminé.

- « Qu'est-ce que je dois faire pour l'hypnose ?! »

Tout dans son attitude indiquait qu'il avait déjà pris sa décision. L'humain tentait bien d'atténuer cette détermination, rechignant à faire confiance au vampire, mais le loup était exité par cette idée de vengeance et par le sang que ça pourrait faire couler.

L’art de la diplomatie est très proche de celui de la manipulation. L’un ne va pas sans l’autre et il est judicieux de savoir manier les deux sans le moindre problème. Surtout lorsque l’on est moi. Je doute qu’il me soit difficile d’obtenir l’identité de la fameuse louve noire. Reste à savoir ce que je ferai ensuite de cette information. La livrer au jeune loup n’est pas la seule option dont je dispose. Je peux tout aussi bien me servir de cela pour contraindre la louve et ainsi la soumettre à mes envies, à mes ordres. Je me fais donc professeur pour Aydan, le mettant en garde contre sa méconnaissance du monde dans lequel il évolue désormais. Franchement, Cornick peut hurler à tout-va qu’il s’occupe des siens, j’ai la preuve du contraire face à moi. Même si je propose un pacte de non-agression ad vitam æternam, je ne suis pas stupide pour autant. Il est rare qu’un loup tienne sa parole envers un vampire. Seule Thémis suit ce genre de règles et encore, je n’en suis pas entièrement certain. Qu’importe, je prends son accord pour ce qu’il est. De toute façon, tant que je peux me révéler source de renseignements, ce jeune loup ne cherchera pas à me nuire. Ensuite, l’histoire sera sans doute toute autre, mais il sera temps d’agir si la situation dégénère. Je peux sentir le combat intérieur qui se déroule dans l’esprit d’Aydan. Ses prunelles sont assez parlantes. Il reste que cela commence à devenir délicat, surtout qu’il semble plaire à notre serveuse. Je tente de détourner son attention avec une proposition qui je m’attends à voir être refusée sans autre forme de procès. Il n’en est rien.

--Mon jeune ami sort d’une relation conflictuelle, il serait préférable que vous conserviez vos distances. Il serait dommage qu’il me faille en référer à votre patron, vous ne pensez pas ?

La serveuse, que j’ai fait venir d’un geste de la main, me fixe avec une mine effarée. Avant de se confondre en excuses puis de disparaître sans demander son reste.

--Je lui laisserai un pourboire conséquent, mais il vaut mieux qu’elle ne soit pas le témoin du changement de couleur de ton regard. Si tu ne peux contrôler ton loup, sortir risque de s’imposer rapidement. Il y a une porte derrière moi qui donne dans une ruelle en cas d’urgence.

Je peux sentir la rage qui émane de lui, ce besoin de sang qui lui vrille les entrailles. Au point qu’Aydan semble prêt à prendre le risque de se livrer entre les mains d’un hypnotiseur. Cela montre à quel point son besoin de savoir, de vengeance même, le ronge de l’intérieur. Curieux qu’il soit seul à devoir affronter une telle épreuve. Même moi, j’ai du mal à comprendre la position de Cornick sur le sujet.

--Il existe plusieurs solutions pour l’hypnose. La plus rapide serait que je le fasse, mais je doute que cela te convienne. Ce que je comprends parfaitement. L’un de mes amis possède un humain qui pourrait le faire selon moi. Cela impliquerait un voyage à la Nouvelle-Orléans. Je peux l’appeler pour le prévenir. Il te suffira ensuite de prendre contact avec lui pour fixer les modalités de votre rencontre.

Je peux ne pas être présent de toute façon. Je disposerai tout de même des informations liées à la séance d’hypnose. Un mouvement attire mon attention brutalement. Il ne manquait plus que cela ! Satanés punaises que personne ne parvient à éradiquer. Mon regard s’obscurcit dangereusement, surtout quand l’argent vient me chatouiller les narines.

--Sortons, le temps est à l’orage...

Visiblement, nous n’avons pas été repérés. Je ne connais pas les deux hommes qui viennent de s’installer au comptoir, mais leurs balles sont faites pour des immortels. Je jette de quoi payer nos consommations sur la table, pourboire inclus et plus que convenable, avant de m’éclipser par la porte arrière. Au moins, ici, il fait assez sombre pour que je passe pour un humain lambda. J’allume une cigarette pour donner un peu plus le change avant de m’assurer que mon jeune compagnon n’a pas eu la bêtise de rester à l’intérieur. Les chasseurs, puisque c’est de cela dont il s’agit, sont devenus plus vindicatifs ces dernières semaines. Et, avec le désastre de Billings, il faut s’attendre à ce que ça empire. J’aime autant ne pas être dans les parages si jamais ils se mettent à tirer à vue. Ça fait un mal de chien une balle en argent !

Continuant de se battre avec son loup, Aydan n'avait pas remarqué l'attitude de la serveuse à son encontre. Ce ne fut que lorsqu'il entendit les paroles du vampire qu'il comprit ce qui se passait. Relevant le regard vers elle l'espace d'un court instant, il se dit rapidement que ce n'était pas une bonne idée. Si elle voyait ses prunelles dorées alors qu'il avait plongé ses yeux verts dans les siens quelques minutes plus tôt, elle allait certainement se poser des questions. Reportant son attention sur son verre, il laissa donc Sergej gérer la situation. Visiblement c'était un art dans lequel il était maitre et effectivement, cela ne mit guère de temps avant que la serveuse ne s'éloigne. Aydan espèrait qu'ils allaient aborder un autre sujet mais visiblement le vampire ne comptait pas le laisser s'en tirer. Lorsqu'il lui parla de son regard, le jeune loup laissa échapper un léger grognement à pein audible pour une oreille humaine. Il n'aimait déjà pas montrer ses faiblesses à qui que ce soit mais si en plus on lui faisait remarquer... Baissant la tête et fermant les yeux, il essaya bien d'arranger les choses mais c'était peine perdue. Quand sa partie animale décidait de faire des siennes, elle remportait quasiment toujours la partie. Si bien qu'il ne pu s'empêcher de jeter un coup d'oeil en direction de la porte que venait de mentionner son interlocuteur. Si jamais le duel devenait trop compliqué, il savait qu'il allait devoir fuir. Si le loup prenait totalement le contrôle au milieu d'un bar rempli de monde, ça risquait de faire des dégats.

Néanmoins, une phrase du vampire attira assez son attention pour qu'il reporte son attention sur lui.

- « Il possède un humain ?! »

Comment pouvait-on posséder un humain ?! S'il avait des lacunes en matière de surnaturel, il aurait préféré en garder certaines telles quelles. Apprendre que des créatures tel que les vampires pouvaient posséder les humains ne lui inspirait rien de bon. Cela voulait-il dire qu'ils pouvaient posséder d'autres êtres ?! Les lycans par exemple ?! Les questions fusaient dans son esprit à la vitesse de la lumière et même le loup commençait à se demander si c'était une bonne idée de tenter l'hypnose. Comment pourrait-il faire confiance à un humain s'il était contrôlé par un vampire ?! Certes son désir de vengeance le consumait mais il n'était pas sûr d'être désespéré à ce point...

Attendant une réponse de Sergej, il ne s'attendait certainement pas à la remarque que celui-ci fit ensuite. Le temps était à l'orage ?! Intrigué il se retourna quelque peu pour voir ce qui faisait fuir le vampire. Il sentait bien une odeur qui ressemblait à de l'argent, mais il n'était pas encore assez doué pour repérer d'où elle venait. Commençant à se lever, il prit la même direction que le vampire, ses yeux continuant de chercher l'origine de la menace. Il était seulement à quelques pas de la porte quand on regard croisa celui d'un homme qui n'avait rien d'amical. Ce dernier remarqua sans doute la couleur dorée de ses iris puisque sa main se précipita rapidement vers son arme. Affolé, Aydan accéléra le pas mais il sentit une vive douleur lui traverser l'épaule alors qu'il poussait la porte pour sortir. Retenant difficilement un cris plaintif, il se mit à courir comme un animal traqué pour regagner la forêt. Souhaitant mettre le plus de distance possible entre lui et les chasseurs dans un laps de temps assez court, il ne prit pas la peine de vérifier où se trouvait le vampire.

Ce ne fut qu'au milieu des arbres qu'il se laissa tomber, haletant aussi bien à cause de l'effort qu'il venait de fournir que de la douleur qu'il ressentait au niveau de son épaule. Il n'avait jamais eu l'occasion d'être blessé par de l'argent et il s'en serait bien passé. Il tenta de regarder ce qu'il en était mais l'endroit où se trouvait la plaie était inaccessible à son regard. Un peu démuni, il se demanda ce qu'il convenait le mieux de faire. Se Changer ?! Essayer de regagner Aspen comme ça ?! Et comment expliquerait-il ce qui s'était passé aux autres loups ?!

La situation va finir par déraper. Pas à cause de notre discussion, mais bien à cause de la soif de sang de ce jeune loup. Il peine à la maîtriser et n’importe quel surnat présent pourrait la sentir pulser hors de lui comme moi en ce moment. Ceci dit, son besoin de vengeance ne me pose pas le moindre souci. Au contraire même, je réfléchis à toutes les possibilités pour l’attiser encore plus. Cela pourrait me servir dans un avenir plus ou moins proche. Assuré que personne ne puisse entendre notre conversation, je propose une solution dangereuse pour Aydan, mais qui a le mérite d’exister. Il ne dit pas non, même si ce n’est pas cela qui semble retenir son attention.

--Un humain oui. Ce dernier le fournit en sang en échange de sa protection et de sa fortune.

Je doute que ce soit le moment de disserter sur la notion d’esclave au service d’un vampire. Surtout que dans ce cas précis, il s’agit bel et bien d’un volontariat. Mais cela risque de me prendre des heures pour le faire comprendre à mon jeune ami. Surtout qu’un danger imprévu se présente sous l’apparence de deux hommes dont les balles ont de quoi m’inciter à une certaine prudence. Il est temps de lever le camp. Pour ma part, je gagne la ruelle sans le moindre problème, optant pour y attendre le jeune loup. Avec un peu de chance, il parviendra à sortir sans se faire repérer par les chasseurs. Maudite engeance que voilà ! Ce sont eux qu’il faudrait éradiquer. Le chuintement du silencieux me parvient aux oreilles. Avant que la porte ne s’ouvre et que je vois le jeune loup détaler comme un lapin. Pas assez vite cependant pour que je ne remarque pas qu’il est blessé. Je ne bouge pas pour autant. Les deux mortels ne tardent pas à faire leur apparition dans la ruelle. Visiblement, ils cherchent leur proie.

- S’il gagne la forêt, on ne le retrouvera pas !

Ça, c’est chose certaine. Ils ne vont pas le retrouver. Mes prunelles s’obscurcissent au moment où je passe à l’attaque. Ils ne m’ont pas vu, ils n’ont pas le temps de comprendre que deux cadavres gisent à terre, la nuque brisée. Je ne m’attarde pas. Fermant les yeux, j’isole l’odeur du sang du jeune loup mêlé à l’argent avant de me mettre en route. Il est fort probable que je me retrouve face au loup par contre. Progressant avec prudence, je comprends rapidement qu’il s’est réfugié dans son élément naturel, la forêt. Ce n’est pas plus mal. Surtout que j’ignore si les chasseurs étaient seuls ou non. Ce n’est pas le moment qu’une battue soit organisée pour retrouver Aydan. Je ne donne pas cher de sa peau sinon, sans compter les dégâts qu’il pourrait causer. Si l’argent agit autant chez les garous que chez les vampires, il doit souffrir le martyre. Je ne tarde pas à le retrouver, stoppant à distance pour écouter. Toujours sous forme humaine, c’est déjà ça. Par contre, vu l’odeur entêtante de l’argent qui me parvient, la balle est toujours dans son corps. Voilà une fâcheuse nouvelle. J’opte pour une approche frontale afin de ne pas le surprendre. Dans son état, il attaquera tout danger potentiel à sa survie. Chose que je comprends sans peine.

--Eh bien mon jeune ami, vous voilà dans une situation fort désagréable.

À quelques mètres de lui, je fixe le jeune loup. Quelque chose me dit que c’est sa première blessure à l’argent vu son air. S’il rentre ainsi à Aspen, il devra fournir des explications. Et tout mon plan risque de tomber à l’eau si jamais on apprend qu’il se trouvait en ma compagnie. Ce qui serait fort dommageable pour mes affaires.

--Ils n’ennuieront plus personne, je m’en suis chargé. Ces maudits mortels sont une véritable plaie.

Prudemment, j’approche d’Aydan sans sortir de son champ de vision. C’est la dernière chose à faire. Selon moi, les loups blessés sont aussi dangereux que les vampires dans le même état. Surtout quand l’argent s’en mêle. Il me suffit de l’observer pour avoir une assez bonne idée du combat intérieur qu’il vit. Il n’y a pas d’autre solution que celle de lui retirer la balle en argent logée dans son corps. Le hic, c’est qu’il a des crocs le gamin et qu’il sait s’en servir. Je l’ai vu à l’œuvre, je sais à quoi m’en tenir. Une chance pour moi, je porte mes gants de cuir. Je vais pouvoir agir sans risque pour ma personne.

--Si je peux me permettre, changer n’est pas la chose à faire. Cela ne fera que te rendre plus agressif et si jamais un autre loup tombe sur toi, je ne donne pas cher de ta peau. Tu es doué, tu te bats bien, mais tu es blessé. Et, si l’argent reste trop longtemps dans ton corps, tu auras bien plus de mal à récupérer que si je retire cette balle maintenant.

Il est inutile de préciser que le jeune loup ne voit pas les choses de mon point de vue. Il y a de fortes chances qu’il finisse par me haïr mais qu’importe, je ne lui donne guère la possibilité de se soustraire à ma volonté. Je suis tout de même un vampire millénaire. Il faut bien que cela serve de temps à autre. Bien qu’il ne me facilite pas les choses, m’obligeant à le tenir fermement au risque de le blesser un peu plus. Je le laisse grogner, s’agiter même, me hurler dessus, cela n’arrête en rien mon geste. Son combat intérieur n’est pas le mien, il doit le régler seul. Il finit torse nu pour avoir le meilleur accès à sa plaie. Aller chercher la balle, ensuite, est un jeu d’enfant. Pas forcément le plus simple, mais elle finit par se retrouver entre mes doigts. Une bonne chose de faite, je me redresse rapidement en me mettant hors de portée des crocs d’Aydan. Je glisse la balle dans un petit étui qui ne me quitte jamais tout en l’observant.

--Il y a un ruisseau non loin. Tu devrais nettoyer ta plaie maintenant. Le plus dur est passé. Ta plaie cicatrisera plus lentement que les autres à cause de l’argent, mais rien de plus.

Aydan avait du mal à croire qu'une telle chose puisse être possible. Un humain acceptait de servir de déjeuner à un vampire afin que celui-ci le protége et subvienne à ses besoins ?! Ça n'avait pas de sens... Il ne s'était jamais fait mordre par un vampire, mais il était persuadé que les crocs de ces derniers étaient aussi affutés que les siens. Une morsure devait donc être particulièrement douloureux... Il fallait être vraiment masochiste pour accepter une telle chose. Ou alors l'humain n'avait en réalité pas le choix. Le vampire faisait pression sur lui et il devait accepter ou mourir. Oui, c'était certainement ça... Quoiqu'il en soit, le jeune loup n'eu pas vraiment le loisir d'en débattre avec son interlocuteur puisque celui-ci l'informa qu'un danger venait de faire irruption dans le bar. N'étant pas encore assez doué pour repérer de l'argent avec précision, Aydan remercia le ciel d'être accompagné d'un surnat plus âgé que lui. Malheureusement, quand il se leva pour prendre la direction de la sortie, sa curiosité lui joua une nouvelle fois des tours. Quand son regard croisa celui de l'un des chasseurs, ce dernier remarqua bien vite la couleur dorée de ses iris et n'hésita pas à sortir son arme pour lui tirer dessus. Bien qu'il était assez rapide, le jeune lycan ne le fut pas assez pour éviter une balle. La douleur était vraiment atroce, l'empêchant presque de réfléchir. La seule chose dont il était certain, c'est qu'il devait rapidement s'éloigner de ses humains qui en voulaient à sa vie.

Pendant de longues minutes, il couru donc en direction de la forêt puis entre les arbres. Lorsqu'il fut sûr que les chasseurs n'étaient pas près de le rattraper, il se laissa tomber sur le sol, haletant. L'argent propageait une vive douleur dans son épaule qu'il pouvait ressentir dans chaque parcelle de son corps. S'il avait été sous forme de loup, il n'aurait pas hésité à s'arracher un bout de chair avec ses crocs pour pouvoir se débarasser de la balle. Malheureusement il était sous forme humaine et il n'était pas sûr de pouvoir reprendre sa forme animale en étant dans cet état. Qui plus est, son loup serait capable de commettre un véritable massacre sous l'effet de la douleur. Ce dernier n'hésita d'ailleurs pas à se faire de plus en plus présent. Les gémissements de douleur poussés par l'humain ressemblaient de plus en plus à des grognements animals. De même que ses iris flambaient d'une lueur dorée de plus en plus intense.

il en était là, soumis aux émotions que lui procurait la douleur, quand il entendit la voix du vampire à quelques mètres devant lui. Relevant la tête, il entendit à peine les paroles de ce dernier quand il lui dit avoir tué les chasseurs. La seule chose qui intéressait le jeune loup, c'est qu'il était blessé donc vulnérable, et que le vampire pouvait être un adversaire redoutable s'il le voulait. Rien qu'à cette idée, il sentit ses crocs qui commençaient à s'alonger quelque peu. Il n'était pas sûr de pouvoir Changer, mais il pouvait tout de même essayer. Découvrant ses canines, il adressa donc un grognement à Sergej sencé le décourager d'approcher.

Malheureusement, le vampire ne semblait pas l'entendre de cette oreille. Avant qu'il n'ai eu le temps de comprendre ce qui se passait, le jeune loup se retrouva maintenu de manière assez ferme. Se débattant, il n'hésita pas à grogner autant qu'il le pouvait à l'intention de cet ennemi qui voulait certainement profiter de sa faiblesse pour en finir avec lui. La douleur s'était propagée dans tout son corps quand Sergej lui arracha son t-shirt, ce qui ne l'aidait en rien à se calmer. Alors qu'il tentait d'atteindre le vampire avec ses crocs, il poussa soudainement un long hurlement de douleur quand ce dernier arracha la balle de son épaule. Si sur le coup, il avait eu l'impression qu'on lui transperçait la chair, il fut cependant soulagé quand il se sentit libéré de l'argent... et de son ennemi.

Incapable de faire autre chose, il resta allongé sur le sol plusieurs minutes, le visage contre terre, essayant de reprendre son souffle. Son esprit qui avait été totalement embrumé par l'argent commençait peu à peu à s'éclaircir. Sergej n'avait pas voulu le tuer mais l'aider... La balle en argent était en train de le rendre totalement fou et dieu sait ce qu'il aurait fait si le vampire ne l'en avait pas débarassé. Heureusement et bien que ce soit beaucoup plus lentement que d'habitude, il sentait déjà la cicatrisation faire peu à peu son effet. Voilà au moins un avantage à sa condition de loup-garou... Bougeant légèrement la tête pour pouvoir poser son regard sur le vampire. Il se souvenait de ce que lui avait dit ce dernier à propos des remerciements, mais il trouva néanmoins un moyen de lui montrer sa gratitude.

- « C'est gentil à vous d'être venu m'aider... » lui dit-il encore un peu haletant.

Une fois qu'il fut sûr de pouvoir se lever sans retomber, le jeune lycan se mit debout et prit la direction du ruisseau. Lorsqu'il vit l'eau, il s'empressa de se laisser tomber assis dedans. Il allait pouvoir nettoyer un peu sa plaie, mais aussi se débarasser de la sueur qui avait élu domicile sur sa peau alors qu'il luttait contre l'argent. L'eau était glacée mais au moins c'était l'idéal pour l'aider à reprendre ses esprits.

Je ne fais jamais rien gratuitement, c’est un fait connu de tous ceux qui m’ont été redevables un jour. Cela peut prendre des mois, des années voir même plus, mais je reviens toujours réclamer mon dû à un moment ou à un autre. Demander le retour d’un service n’est pas chose à prendre à la légère. Il faut prendre le temps de poser le pour et le contre de ce que l’on peut exiger de notre débiteur. C’est ainsi que l’on parvient à ses fins. J’en sais quelque chose, certaines dettes contractées à mon encontre m’ont permis de monter sur mon trône. Et d’autres me permettront d’asseoir ma suprématie sur l’Europe toute entière dans les mois à venir. Aucun souverain ne peut m’échapper. Ils l’ignorent encore tout simplement. Je me ferai une joie de les affranchir sur le sujet lors de nos rencontres « diplomatiques ». Mais, pour le moment, c’est un jeune loup qui retient toute mon attention. Un jeune loup blessé, dangereux, et dont la rage intérieure est une excellente raison pour que je me porte à son secours. Aydan est une source potentielle d’informations pour le futur que je ne peux me permettre de négliger, pas après avoir perdu la petite louve qui faisait office d’espionne. Certes, il ne dispose pas des mêmes courbes féminines, mais ce n’est franchement un souci me concernant. J’apprécie un mâle de temps à autre. Juste pour lui faire sentir son impuissance quand je le possède avec force. Et inutile de lever les yeux au ciel en prenant cet air outragé, cela ne me fera pas changer d’avis, ni même me remettre en question. Retirer la balle se révèle plus délicat que je le pensais. Aydan se débat comme un beau diable et je dois user de ma force pour le maintenir au sol pendant que j’œuvre rapidement. Libéré de l’argent, il devrait se calmer maintenant. Pour ma part, je garde soigneusement la balle pour voir s’il m’est possible de le lier à un chasseur précis. Autant savoir si ceux que j’ai tués agissent en solitaires ou non.

--Les chasseurs sont une race à éradiquer et je connais l’effet de l’argent dans le corps. Te laisser basculer dans la folie était la dernière chose à faire. Dans quelques heures, tu iras mieux et cela ne sera plus qu’un mauvais souvenir.

Pour peu qu’il parvienne à se contrôler et à dompter son loup pour éviter de se faire bêtement repérer. Cela, je le garde pour moi alors qu’il prend la direction du ruisseau. Il a été secoué, je peux aisément le voir. Je ne me souviens plus de quand j’ai été blessé de la sorte la dernière fois, mais la douleur, elle restera gravée à jamais dans ma mémoire, même si je vis encore un autre millénaire.

--Il vaudrait mieux éviter de traîner dans les parages trop longtemps. J’ai tout de même abandonné deux cadavres encore chauds qui vont être rapidement découverts.

Appuyé contre un arbre, je fais face au jeune loup. Avant de partir, je veux être certain qu’il ne va pas commettre de bêtise embarrassante, autant pour lui que pour moi. Je viens de placer mon fou sur l’échiquier, le contrôler ne va pas être sans risque. Ce qui ne fait qu’ajouter du piment à la partie de toute façon. Je fouille rapidement dans ma poche intérieure pour en sortir une carte de visite, celle de l’Herborius, que je dépose non loin de lui.

--Rentre chez toi, tu as besoin de repos. Appelle-moi dans quelques jours, je te dirai ce que j’ai réussi à trouver sur la louve que tu recherches. Et, si tu es toujours décidé à tenter l’hypnotisme, je te donnerai les coordonnées de mon ami. En attendant, si tu veux un conseil, fais-toi discret. Vouloir te venger de la sorte peut te valoir les foudres des tiens. Ce serait idiot de t’en voir priver uniquement pour avoir fait preuve d’impatience, tu ne crois pas ?

Surtout si mes soupçons se confirment et que c’est bien après Thémis qu’il court depuis si longtemps. Nul doute que Victor ne laissera personne brutaliser son animal de compagnie favori, pour ne pas dire son esclave. Aussi libre pense-t-elle être, cette louve n’est rien d’autre qu’une femelle bien dressée qui obéit aux ordres de son maître, rien de plus. Je me demande même combien de temps il me faudrait pour convaincre Victor de me laisser la mettre dans ma couche pour en disposer selon mon bon vouloir. Je lève brièvement mon regard vers le ciel. Il est temps pour moi de m’éclipser. Rester ne m’apportera rien de plus pour cette nuit. Il va me falloir attendre notre prochaine rencontre.

--Je dois partir. Je te souhaite une agréable fin de nuit, Aydan. Et n’oublie pas, on ne peut se venger que si l’on reste en vie.

Sur ses paroles, je me fonds dans l’obscurité en une fraction de seconde. Direction Aspen pour voir si je trouve de quoi m’amuser un peu avant le lever du soleil. J’ignore encore que je vais assister à un bien étrange spectacle sur la route du retour. Et que, à défaut de trouver un vulgaire amusement nocturne, je vais gagner bien plus que cela en la personne d’une adorable sorcière privée de tous ses pouvoirs, une petite chose fragile qu’il va être plaisant de manipuler.

HRP:

Toujours allongé sur le sol, Aydan eu une pensée pour les chasseurs responsables de ses malheurs. Même s'il ne pouvait en être sûr à 100%, il était persuadé que Sergej les avait rayé de la carte et au fond, l'idée n'était pas pour lui déplaire. C'était la première fois qu'il se retrouvait dans la ligne de mire d'une arme chargée à l'argent, mais il n'était pas près d'oublier cet instant. Et surtout la douleur... Il parait que l'on apprend de ses erreurs, et bien c'était exactement ce qu'il comptait faire ! La prochaine fois qu'on l'informerait que des chasseurs étaient dans le coin, il ne chercherait pas à les trouver, il se contenterait de prendre la fuite. Ce n'était peut-être pas très digne d'un dominant, mais si c'était nécessaire à sa survie, alors il voulait bien ravaler sa fierté l'espace d'un instant ! Enfin bref. Après avoir brièvement hoché la tête, le jeune loup se remit sur ses jambes et prit la direction du ruisseau. Son épaule le lançait encore mais ce n'était rien comparé à ce qu'il avait ressenti quelques minutes plus tôt.

Une fois dans l'eau, il entreprit de se laver du mieux qu'il le pouvait. C'était agréable de pouvoir se faire un brin de toilettes et surtout, ça aidait son corps meurtri à guérir. Frissonnant légèrement sous la fraicheur de l'eau, il eu alors la confirmation de ce qu'il pensait : Sergej avait tué les chasseurs. Et bien tant pis, ils l'avaient cherché. Après tout, ils ne faisaient de mal à personne dans le bar, alors pourquoi s'en prendre à eux ?! Et puis il n'avait pas l'intention de s'éterniser bien longtemps dans le coin. Il n'aurait jamais cru dire ça un jour, mais il n'avait qu'une envie : rentrer à Aspen Creek. Là bas il avait l'intention de se sentir un peu chez lui, ce qui ne lui était pas arrivé depuis bien longtemps. Comme quoi, il lui avait suffit de quitter un peu la ville pour s'en rendre compte.

Quoi qu'il en soit, le jeune loup afficha une mine légèrement boudeuse en entendant le vampire lui donner des conseils. Il n'aimait pas recevoir des leçons et encore moins d'un représentant des buveurs de sang. Certes Sergej l'avait aidé, mais tout de même. Et puis cette manière qu'ils avaient tous de lui parler comme à un gamin... Il avait tout de même trente-quatre ans, ça ne comptait pas ?! Baissant le regard vers la carte, il se contenta donc de répondre simplement :

- « Je vous appellerai... »

Si le vampire pouvait l'aider à retrouver la louve, il n'allait certainement pas oublier de le recontacter. En attendant, il le salua d'un léger signe de tête avant de continuer son brin de toilettes. Rapidement, la sueur et le sang ne furent plus qu'un lointain souvenir et il pu ressortir de l'eau. Il était trempé et la température n'était pas des plus élevée mais sa condition de loup-garou l'aiderait à rentrer sans faire de l'hypothermie. Enfin... Il l'espèrait du moins. Une fois la carte ramassé, il prit donc la direction d'Aspen Creek. Encore faible, il ne pouvait pas marcher très vite mais cela ne le décourageait pas vraiment. S'il adoptait un rythme régulier, il finirait tôt ou tard par voir les premières apparaitre...

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